Dimanche 23 septembre 2012 à 20:35

 Il faudrait que tu saches... Ou peut-être que non, il ne faut absolument pas que tu saches.

Que tu saches que je suis dans un train qui ne va nulle part. Il mène un peu vers l'absolu et l'espoir d'un monde meilleur, et un peu vers le néant d'une réflexion sans fond.
C'est un train du matin ou du soir, c'est selon. C'est un peu des deux, toujours est-il que le jour n'est qu'à demi.
Je voyage dans le sens de la marche, sinon j'ai parfois trop mal au coeur. Le paysage défile derrière la vitre comme à son habitude et je regarde tantôt par la fenêtre, tantôt en face de moi.
Habituellement, j'apprécie assez d'examiner les visages, d'en observer les détails, de creuser un peu plus les traits que je découvre.

Aujourd'hui c'est étrange, car c'est ton visage que je dessine juste en face de moi. Et pourtant tu n'y es pas.
Je ne t'ai pas vu depuis des semaines, des mois, des jours, je me demande même si ça ne commencerait pas à se compter en années.
Et c'est ton visage que je vois. Je te vois sourire alors je souris aussi. Je m'imagine toi. Je te vois très clairement entrer dans ce wagon, t'asseoir en face de moi, et ne rien dire. Et je sais que je sourirai et que ça suffirait. Alors j'en souris déjà.
En réalité je regarde exactement tes yeux, et je glisse tout autour pour suivre les contours de tes traits. Je les connais tellement, je m'y suis si secrètement plongée. Je te connais tellement. 

Je me demande comment tu as fait pour arriver là. Pour te poser si clairement dans mon esprit, juste à portée de mon regard.
C'est un détail tu sais, mais je ne peux pas m'empêcher d'y être réceptive. J'aurai pu fermer les yeux, j'aurai pu me boucher les oreilles mais c'est ce parfum, je n'y peux rien, ce parfum. 
Quelqu'un m'a effleurée pour aller je ne sais où, et il a laissé derrière lui l'effluve de ton fantôme. Il portait le même parfum que toi. C'est bête, ça aurait pu être courant, mais ça ne l'est pas. 
Ce n'est pas la première fois que cela m'arrive. Dans la rue, je me retourne derrière des inconnus qui portent ton odeur. 
Je déteste l'artificiel de la sorte, il fait croire à quelque chose qui n'existe pas. Il me rappelle exactement l'absence de ta présence. 

Ton corps céleste est donc assis sagement en face de moi. J'y pense très fort, je retiens cette pensée pour ne pas qu'elle m'échappe. Elle me rend heureuse. Ce n'est pas parce qu'un bonheur est illusoire qu'il faut le laisser s'enfuir alors je continue de te regarder. j'ai tellement envie de te regarder. Je n'aurai rien eu à dire tu sais, parce que nous en avons terminé toi et moi, et qu'on le sait bien. Tu n'aurais rien eu à dire non plus, parce que je n'ai plus trop envie de t'écouter depuis quelques temps. Ce qui me manque, c'est de te voir. Peut-être parce qu'il nous est souvent arrivé de communiquer sans parler, et que ces instants étaient ceux où nos conversations étaient les plus claires. 
J'ai juste envie de toi dans mon champ de vision.
Et puis tu t'en effaces.
C'est normal, c'est la vie. On s'en protège comme on peut.
On préserve ce qui est précieux.

Et le train s'approche des quais parisiens. 
Ton fantôme s'est évaporé, mais mon sourire reste encore un peu.
Comme de la buée sur un miroir. 

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Samedi 8 septembre 2012 à 22:35

 Tu sais, il y a beaucoup de choses à tenter pour aller mieux.
Mais il me semble quand même important de te dire qu'en septembre, tous les gens sont tristes.
Alors, tu vois, ne t'en fais si ton sourire est un peu plus lourd à soulever ou si le soleil ne te réchauffe pas tant qu'avant.
C'est quasiment normal que le moral ne suive pas quand l'été touche à sa fin.
Les jours n'ont plus la même odeur, les vacances sont terminées, et même si l'on n'en a pas eues, on le sent bien. Parce que les rues sont pleines de gens pressés, que les routes sont pleines d'automobilistes mal aimables immatriculés en région parisienne, et parce que les journées sont pleines d'heures trop courtes. Tout ce temps qu'on avait... Tout ce temps qu'on avait gagné et que l'on croit désormais perdre.

Mais tu sais, ce n'est pas une perte de temps d'en prendre pour soi. Bien sur, cela semble plus difficile à faire maintenant que les autres ne le font plus. Mais tu devrais, de temps en temps, t'accouder à ta fenêtre et remettre le monde sur pause.
Je pense que l'idéal, c'est de le faire à la tombée de la nuit ou au lever du jour. Tu comprends, il faut le faire lorsque le chahut du dehors n'est pas palpable. Il faut mettre le monde sur pause lorsque les trottoirs sont silencieux et que le ciel est plus proche de ton visage. 
Tôt le matin, ou tard le soir. Dans les deux cas, c'est un peu comme si les astres étaient à ta fenêtre, et c'est cela qui devrait t'aider.
T'aider à poser l'instant. Pour qu'il s'envole. 
Parce qu'en septembre on retombe malade. Ou alors on apprend qu'on l'était, et qu'on ne le savait pas. D'un seul coup nos jours sont à nouveau comptés. Et parfois, il arrive qu'on ait peur de se retrouver seul, en septembre. Parce que, s'il nous arrivait quelque chose, qui serait là pour nous réanimer? Si nous perdons notre âme ou si notre coeur s'emballe, en septembre, qui prendra le temps qu'il faut pour s'inquiéter pour nous?
Il est rare de prendre le temps de discuter vraiment lorsqu'on ne se parle plus.

T'accouder à ta fenêtre, disais-je, avec une cigarette à la main, pourquoi pas, ou à la bouche. Avec une petite cigarette oui, une jolie dans un paquet avec quelques couleurs avant qu'elles ne soient stupidement interdites. Un peu de tabac et de nicotine à fumer pour calmer le jeu, pour paradoxalement respirer un peu plus aisément, et faire de la fumée en regardant le ciel. 
Mettre le monde sur pause pour oublier septembre, pour oublier les lundis mais surtout les dimanches soirs. Mettre le monde sur pause pour voyager ailleurs, dans le temps. Dans ton temps, notre temps, ou même le leur si le voyage est plus facile.
Revivre ce qu'il y a à revivre, se souvenir de ce qu'il ne faut pas oublier.
L'important dans tout ça, c'est de finir le sourire aux lèvres et le mégot éteint. 
Tu peux avoir le sourire aux lèvres et les larmes aux yeux, ce n'est pas incompatible. 

Mais surtout, surtout, pour aller mieux, prend le temps des pensées plaisantes. Voyage dans le plaisir des souvenirs, des futurs proches, des présents constants. Ne t'attarde pas sur le plus dur à venir, sur les santés qui flanchent et les espoirs qui s'effacent.



Reste avec les certitudes de la vérité joyeuse, des sourires sincères et des éclats de rire.
Prolonge la tendresse et la complicité, la beauté et l'évasion.
Prend ce qu'il y a de précieux dans ta vie, pose le délicatement devant tes yeux, en pensées, et ne l'oublie pas.
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