Moi je suis partit après elle. Juste après elle. J'ai tout réglé. Et puis jsuis sortit.
Il était bien trop tard. Ou alors bien trop tôt. Mi jour, mi-nuit. Et je sais que c'est environ l'heure à laquelle Claudia sort. C'est environ l'heure à laquelle elle ne brille plus. Le soleil se lève, et comme les vampires, Claudia perd son éclat et sa force à l'heure où l'aube arrive. J'aimerais la voir pourtant. Pourquoi « pourtant » d'ailleurs ? J'aimerais la voir tout court. Parce que je l'aime, et parce que rien que de la voir vivante c'est comme un gage. Un gage de mon existence. La voir et l'aimer c'est me sentir vivant.
Alors je marche, les mains dans les poches et le col remonté. Parce qu'il fait froid, et que le vent griffe mes pommettes. J'ai perdu la notion des saisons. Du temps. De la vie.
Je vais juste chercher Claudia.
Juste pour voir si elle va bien, si elle n'est pas seule, si elle n'est pas triste.
Je ne peux plus m'en sortir tout seul.
Et puis il faut croire que mon horloge interne est bien réglée. Parce qu'elle ferme la porte derrière elle, dans son dos. Et elle garde sa main un instant sur la poignée. La tête baissée. Un ange déchu.
J'ai jamais vraiment aimé cette expression. Parce qu'elle est trop clichée, trop belle pour être réalisable.
Et pourtant, c'était ça. Claudia est loin d'être comme Lou. Claudia a brillé, mais Claudia ne brille plus. Claudia n'a pas d'honneur. Claudia n'a plus d'honneur. On dirait même que Claudia n'est plus personne.
Car si je ne la connaissais pas. Je verrai une belle femme. Rien qu'une belle femme, qui lève le menton en même temps qu'elle encercle son ventre de ses deux bras. Une belle femme qui marche la tête rentrée dans les épaules. Une sorte de belle femme blessée. Avec cette beauté tragique qui fait que nos cœurs se retournent. Une femme posée dans des talons trop hauts.
Mais une femme que j'aime.
Claudia a grandit, elle est devenue. Et je n'étais pas là pour devenir avec elle.
Non, je n'étais pas là. Pas là pour l'aimer.
Et maintenant Franck ?
Maintenant je suis là. Et il faut bien que je l'aime. Il faut bien qu'elle le sache que je l'aime.
Ma veste me semble peser des tonnes sur mes épaules. Un poids immense qui vient m'étouffer.
« Il faut bien qu'elle le sache que je l'aime » Après tout. Puisque je n'ai plus rien à perdre. Puisqu'elle est tout ce qui me reste, tout ce que j'avais gagné, tout ce qui avait de la valeur. Puisqu'elle est tout ce que j'ai perdu, tout ce que j'ai pu perdre. Elle est mon or ternit. Et je ne peux pas la laisser comme ça. Je ne veux pas que d'autres l'approchent, je ne veux pas qu'elle cueille son bonheur autre part que dans mes bras. Je veux qu'elle reste ici tant que j'y reste. Je ne veux pas la reperdre. Je ne peux pas la reperdre.
C'est quand on est au bord de voir s'en aller les gens qu'on aime qu'on comprend à quel point ils comptent. A quels points ils sont importants. Parce que sans elle je serai à nouveau perdu. Parce qu'il m'en vient les larmes aux yeux à l'idée de la savoir mal.
Alors j'y vais. Oui. Allez Franck. Va, apporte lui.
Elle a froid ma Claudia, elle a froid et elle se meurt. Mon moineau aux ailes abîmées.
Moi je veux que tu t'envoles encore Claudia, mais je en veux pas que tu te plantes, je veux être là pour te rattraper si tu tombes.