Le lendemain je suis revenue. On s'est revu. Et puis on s'est rassis.
Et puis cette fois-ci c'est lui qui m'a tout raconté. Toute son histoire avec sa belle Claudia.
C'est compliqué entre eux deux, et puis en même temps, je trouve ça simple.
Ils se sont trouvés, ils se sont perdus. Et puis ils se retrouvent, mais ils ont changé. C'est tout. C'est si simple.
Et il a terminé son récit par moi. Disant que j'étais son seul salut, ou quelque chose comme ça. Comme si moi j'avais toutes les réponses, toutes les solutions. Il veut mon aide, il veut que je le guide, que je sois sa lumière. Il m'a présentée comme une sorte de prophète, de clef capable d'ouvrir le coffre de son bonheur.
Mais je ne suis pas une envoyée de Dieu. Pourtant j'aimerai. J'aimerai vraiment être celle qu'il attend ! J'aimerai les avoir, toutes ces solutions qu'il attend de moi. Mais je n'avais pas prévu ça moi, moi j'avais prévu de retrouver Claudia. Et puis j'aurai improvisé. Sauf que d'après lui j'ai tout planifié. Comme si je savais déjà tout. Or je ne savais pas tout.
Je ne savais pas qu'il existait, je ne savais pas qu'elle dansait dans les bars, ni qu'elle était amoureuse d'un homme amoureux d'elle. Alors de là à savoir quoi faire…
Il me faudra le guider pour trouver mon propre chemin. C'est juste ça.
Tout est simple, tout parait compliqué. Il suffit de trouver le bon angle de vue.
Haha !
C'est ce qu'il me fallait. Ils sont biens bon ces hommes là ! Se laisser amadouer par une belle paire de seins négligemment exposés, ça ce sont des mâles ! Des vrais ! Magnifique ! Ce monde est magnifique !
Et moi je vais danser ! Haha ! Regardez moi ! Maman ! Maman regarde-moi je vais danser !
Franck ! Ô Franck toi qui n'est pas là pour comprendre ! Regarde ! Regarde je danse !
Et je m'en tue, et je n'en vois plus les autres. Et quels autres d'abord ? Ceux qui bandent et qui baisent, ceux qui fument des gitanes, et ceux qui me reluquent de haut en bas ? Ceux qui louchent sur mes bas et bavent devant le creux de mes seins ? Ceux-là ?! Mais ils n'existent pas ceux-là ! Ils ne sont pas là ! Ils sont si loin ! Et moi je suis si haut, je suis si volante, si légère sur mes jambes, si transparente sur mes jolis talons bleus ! Si autre, et si bien !
Parce que mes hanches s'accordent au bruit, parce que mes yeux se dessillent sans raison, sans rien voir. Parce que je ne sais pas quoi être, mais jmen fous ! Je danse juste, j'attise le feu et je fais éclater leurs couilles. Bande de pervers. Et moi je gagne du fric en jouant à leur jeu. Je suis le fantasme qu'ils ne pourront jamais se permettre.
Parce qu'ils ont les yeux qui brillent pendant que leur femme couche les enfants.
Et moi je ne suis personne, parce que moi haha ! Moi je vole, moi je ne les vois pas, moi je suis droguée ! Oh ! Je suis droguée ! Haha ! Une belle putain de junkie, une superbe gogo danseuse aux formes abondantes. Je suis ce qu'elles voudraient toutes devenir ! Je suis cette fille qu'elles envient toutes ; je suis la quatrième de couverture des magasines de mode. Je suis la fille de l'arrière boutique.
Celle qui danse, celle qui oublie le monde, celle qui se drogue, celle qui baise, celle qui n'est personne parce qu'elle ne sait pas qui être. Celle qui ne cherche plus rien et qui trouve toujours tout. Celle qui a osé foutre sa vie en l'air au nom de l'extase !
Moi ! Moi Claudia ! Une vingtaine d'année dans les yeux et des jupes plus courtes que tout ! Moi ! Moi ! Moi qui danse ! Moi devant laquelle ils sont à genoux ! Moi…
Moi qui ralentit mes mouvements aux rythmes de la musique. Moi qui ne sais plus aimer. Moi qui écoute des BO de films seule dans mon studio miteux, un verre de vin rouge à la main et une cigarette fumante dans le cendrier. Moi qui fais tout pour oublier. Moi qui deviens une autre, parce que j'en ai juste marre d'être moi. Moi qui change de vie la nuit parce que je n'aime pas ce que je suis.
…
Ce que je suis…
Mais qu'importe ! Ô qu'importe Claudia ! Si tu danses, si tu danses, si tu danses…
Alors je danse. Ô God ! Je danse…
Et toi mon aimé ! Toi qui n'est pas là pour me voir. Toi qui m'as fais passer de si douces nuits ! Toi qui connais si bien les chemins de mon corps. Toi qui m'a fait naître des étoiles dans les yeux et dans mon bas ventre. Toi qui as su m'y faire croire.
Toi qui n'es là ni pour me plaindre, ni pour m'admirer. Toi qui ne pourras jamais me comprendre.
Ô mon aimé, mon tendre aimé ! Toi qui me parait si loin. Toi qui n'est pas là.
Juste pas là. Toi pour qui je ne peux pas danser.
… Pour qui je ne peux pas danser.