Dimanche 31 juillet 2011 à 6:24

 A demi-nue dans son lit, je l’entends en bas qui s’affaire pour prendre un énième train. Il est cinq heures du matin et nous sommes pourtant rentrés hier soir. Et il y a quelques heures, dans ce même lit, je sais qu’il aurait donné n’importe quoi pour que rien ne nous sépare jamais.
Dès le moment où le réveil a sonné, je lui ai redit, encore une fois, que je ne voulais toujours pas qu’il parte. Que mon corps se vidait et qu’il ne restait plus rien en moi quand il s’en allait après avoir vécu avec moi un temps.
J’ai beau tourner les choses mille fois dans ma tête, je ne comprends pas. Comme à chaque fois, je reste abasourdie, les joies ballantes, la bouche quasiment vide de mots, l’esprit plein, à me demander pourquoi, mais pourquoi ?...
Il remonte des escaliers pour venir poser ses mains sur moi, il me regarde et je sens pourtant qu’il m’aime. Evidemment que je le sens bien, ça crève les yeux, ça aveuglerai presque.
« Ne sois pas triste…
_comment tu veux que je ne sois pas triste ?
_parce que ça n’est pas fini »
Je trouve que c’est une excellente réponse alors je lui souris. Mes yeux sont humides, le réveil avant l’aube sans doute. Et je pense à mille kilomètre heure. Ce n’est pas fini. Il ajoute que rien n’est terminé, qu’il y a quelque chose après. Il me rappelle qu’à son retour nous partons en voyage ensemble, et que cela sert à tenir. « Parce que ça n’est pas fini ». Et soudain dans ma tête les choses prennent une autre tournure, « ça n’est pas fini ». Bien sûr, je le sais. Je le sais que tu vas encore repartir un jour, que tu vas encore me laisser tomber à l’aube d’un projet ubuesque. J’ai pas fini de le sentir se vider mon corps. Ce sentiment là, ce n’est pas du tout la dernière fois qu’il m’étouffe. Je sais que tes dépars, ça n’est pas terminé. Et je sais aussi que tu m’aimes, je sais aussi que ça te chagrine de voir en face les dégâts de tes délires. Je sens bien que quelque part, tu ne veux même plus partir. Les mots se détachent même de ta bouche. Mais tu partiras quand même et je le sais.
Alors je tente de guérir mon cœur, celui qu’il tient dans ses mains. Je lui confie ma ligne, je ne veux pas partir sur la mauvaise voie des émotions, je lui jette le volant entre les mains. Je ne veux pas porter seule la responsabilité d’une erreur d’aiguillage. Il faut qu’il me rattrape, qu’il me sorte la tête de l’eau et empêche mes pensées de me noyer.
" Dis-moi ce qui n’est pas fini…
_nous."
C’est encore une bonne réponse et il me prend dans ses bras. Mon cœur tombe sur le sol et se fracasse en mille six cent douze morceaux. Ça fait un bruit du tonnerre, je sentirai presque la terre gronder. Mon cœur par terre comme des morceaux de verre. Ça a fait le bruit d’un grand saladier de cristal qu’on aurait laissé tomber sur du carrelage. Je pense à Chloé, Chloé qui m’explique ça rupture libératrice et qui glisse dans un sourire radieux « au début, tu crois que tu vas mourir ». Et je me demande seulement si c’est pire. Il n’y a pas de rupture entre nous, ses mains qui caressent mon dos en sont la preuve. Et pourtant, il me semble que je croie être sur le point de mourir. Evidemment je pleure, mes larmes imbéciles s’échouent vulgairement sur son sweat. C’est une tristesse silencieuse, je ne fais aucun bruit. J’ouvre juste les vannes pour ne pas finir dans un état encore plus lamentable. Les mots s’entassent dans ma gorge mais rien ne m’étrangle. Mon ventre vide crie famine mais je ne pourrai rien avaler. Il me murmure « ne pleure pas, ne pleure pas ». C’est une évidence…
Les débris de mon cœur par terre, je me demande si j’espère qu’il se coupe avec en partant. Je me rends compte que non, que mon amour pour lui est désespérément immuable et irrationnel. J’ai envie de lui dire « fais attention à ne pas te couper avec les éclats de mon cœur » mais je ne lui dit pas.

 

Je me dis qu’il aura peut-être raté son train juste pour me prendre ainsi dans ses bras, juste pour me rassurer. Je lui pardonne parce que je l’aime et que je ne suis pas quelqu’un qui s’acharne. Je me détache un peu de lui, il me caresse encore les cheveux et me rallonge délicatement sur le lit. Il pose son visage sur ma poitrine. Il s’attarde, il voudrait rester mais il a un train à prendre. Je n’arrive toujours pas à saisir ce qui l’oblige, mais je sais qu’il part à contre cœur.  Je n’ai pas envie d’en rajouter, je n’ai pas envie de me mettre à pleurer un torrent pour qu’il réalise la douleur qu’il me fait. Toujours.

 Evidemment il est redescendu, je me suis levée, je me suis appuyée à la barrière de la mezzanine juste pour le voir avant qu’il parte. J’ai regardé l’heure et il était plus tard que ce que je pensais. «Tu peux partir » Il a souri et j’ai cru que j’allais tomber par terre.
Et puis il est parti.
Deux ans et demi que ça dure.

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