Mardi 8 janvier 2008 à 20:50

Lève toi Claudia. Allez lève toi !
Non.
Si
. Lève toi.
Bien.

Alors me voilà. Debout. J'ai décidé de sortir parce qu'il fallait que j'aille prendre l'air. Il y a une rivière à trois quarts d'heure de marche. J'aimerai y aller.
J'aime la pluie. Mais elle ne tombe pas du ciel aujourd'hui. Alors j'aimerai regarder couler l'eau. M'asseoir dans la boue et chantonner toute seule. Les orteils plongés dans l'eau glacée. Quitte à attraper à rhume ; j'm'en fiche. Le bonheur se paie. Et son prix c'est le risque de la souffrance. Alors je veux bien prendre ce risque. J'ai toujours pris des risques. Je n'ai jamais vraiment su être raisonnable. J'ai couché quand je voulais coucher. J'ai bu quand je voulais boire.
Et j'ai existé quand je voulais être vivante.
Maintenant j'aimerai m'allonger dans l'herbe, au bord de l'eau, de la terre humide tout autour des phalanges. J'aimerai croire que je meure ou que le monde n'existe plus. De chez moi j'entends la vie au dehors, et la vie des autres, de touts ces milliers d'anonymes ; cette vie je ne la supporte pas. Alors je veux la fuir.
Je veux m'enfuir. Je veux me fuir.
Le vent froid s'engouffre dans mes cheveux à l'instant même où j'ouvre la porte.
Dieu qu'il fait froid.
Mais j'ai mal joué mon coup. Parce qu'on est en pleine après-midi, et que dehors les gens courent. Une agitation brûlante parmi ce froid. Des bruits de pas comme un bourdon tout autour de ma tête. Des gens, des gens, et encore des gens. Ils portent tous les mêmes manteaux. Tous les adolescents portent des convers, toutes les femmes portent des talons, tous les hommes marchent vite. Personne ne traîne. Personne ne fait rien.
Personne ne cherche à se poser doucement au bord d'un ruisseau.
Dans ma rue il y a des magasins. Les gens se ruent dans les magasins. La foule. Leur frénésie.
Des fourmis qui se ruent sur du sucre. Consommer braves gens
. A chacun sa drogue.
Ils avancent à une vitesse folle. Et moi je ne suis pas dans ce rythme. Je suis la batterie dans l'orchestre symphonique.
Alors ils me remarquent, forcément. Ils ne me regardent pas vraiment tout ces gens : ils me toisent.
Peut-être parce que j'ai une jupe courte sans collants. Peut-être parce que mes chaussures sont plates, ou que ma peau est claire. Non messieurs, en effet, je ne suis pas maquillée aujourd'hui.
Peut-être qu'ils me toisent à cause de la longueur de mes jambes, à cause du creux de mes reins, la courbure de ma taille ou le dos d'âne de mes seins à travers la laine de mon vieux gilet.
Je suis peu vêtue. Mais je n'ai pas froid. Pourquoi m'habiller ? Ou plutôt, pourquoi me rhabiller ? Je n'ai pas froid. Je n'ai pas de pudeur. Je n'aime pas me sentir serrée dans tous ces vêtements.
Je ne suis pas un oignon messieurs, mais je ne suis pas une putain non plus. Baisser donc vos yeux. Et pas en direction de ma poitrine.
Je ne marche pas comme les autres. Je n'arrive pas à prendre le rythme.
Moi je marche en limace. Je bave ma lassitude sur le trottoir. Je ne peux pas marcher vite. Et il y a le contraste de mes pas avec les leurs.
Quelques fois j'aimerai être comme eux, je l'avoue. Certains jours j'aimerai me fondre dans la foule sans que les têtes se tournent sur mon passage.
Je suis là,
j'ai perdu le chemin de ma rivière.
Je suis là. Solitaire et regardée.
Ils m'ont égarée en eux.

 

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