Samedi 30 juin 2007 à 11:38

Peut-être vous demandez-vous pourquoi, d'un coup, je suis partie.
Pourquoi un matin j'ai décidé de tout quitter.
Moi qui voulait finir cette vie choisie par mes parents pour reprendre la mienne. Moi qui voulais en terminer avec ce mariage non voulu,
pourquoi l'ai-je laissé inachevé ? Sur un coup de tête ?
Non, bien sur que non. Je suis le genre de personne qu'on pourrait qualifier de responsable.
Moi, Lou, j'ai choisis de ne rien gâcher, j'aime que tout soit propre et organisé. Je n'ai jamais voulu avoir une vie de débauchée où je ne saurai pas quoi faire de mes mains.
Alors oui, il y a eu cette période avec Yann, où nous vivions au jour le jour. Sans nous soucier de rien, sans responsabilités.
Et j'aimais ça, j'aimais cette ambiance de rien. Où l'on prenait les choses comme elles arrivaient.
Oui mais, j'ai grandit. Et je suis devenue adulte.
Je me suis mise à croire en Dieu.
Je me devais donc d'entretenir le feu de mon foyer jusqu'à ce qu'il soit à l'apogée.
Je ne sais si vous vous en souvenez. Mais il me semble vous avoir dit que je ne partirai à la recherche de Yann qu'une fois mes enfants grandis.
Or me voilà ici, dans cette ville.
Et mon mariage est désormais loin derrière moi.
Il y a à
cet envol soudain une raison simple.

Je suis tombée enceinte.
C'était voulu, bien sur.
Ou plutôt non,
c'était prévu. Je devais avoir des enfants avec cet homme que je considérais comme une connaissance. Comme un colocataire amical. C'était ça ma vie.
Je vivais avec cet homme que
je n'avais pas choisi. Mais nous nous entendions bien, nous étions presque amis. Peut-être me trouvait-il à son goût. Mais moi j'avais Yann. Et c'est à lui que j'avais dédié mon amour. A lui et à aucun autre.
J'ai donc vécu ainsi. M'offrant assez régulièrement à mon mari. Comme se doit de le faire toute épouse.
Et j'en suis arrivée au point d'être enceinte. J'étais alors majeure.
J'attendais deux enfants. Ils étaient là au creux de mon ventre,
les fruits de mon existence.
Quelques morceaux de moi que j'allais élever, que j'allais rendre heureux. A qui j'allais expliquer la vie. Les emmener en forêt le dimanche, leur faire coucou alors qu'ils seraient dans un manège. Leur payer des glaces et des bandes dessinées. Les voir apprendre à lire, écrire, compter. Leur raconter des histoires le soir pour qu'ils s'endorment. Et pouvoir admirer leurs visages reposés quand ils auront enfin atteint le pays des rêves.
C'était un cadeau du ciel. Et chaque matin, les deux mains sur mon ventre, je remerciais de Dieu de ce présent. Ils étaient pour moi une manière de me concentrer sur l'instant. Avec deux enfants j'aurai eu quelque chose à faire de ma vie, pour de bon. Ils seraient devenus mon but premier. Et une fois adultes, j'aurai pu partir rejoindre Yann avec la satisfaction d'avoir
au moins réussis une chose dans ma vie.

Mais les choses se déroulent rarement comme prévu.
Je n'ai pas compris pourquoi moi. Pourquoi toutes ces choses me tombaient dessus de la sorte.
Je n'avais jamais fait de mal à personne. Je m'était appliquée à ne jamais déranger qui que se soit.
Je pensais être quelqu'un de bien.
Mais tout ceci est une épreuve du ciel.
Je sais que de là-haut Dieu est là, et qu'il m'aide à affronter la vie. S'il y a des obstacles, je me tourne vers Lui et je prie.
Je sais qu'Il ne me laissera pas seule. Je sais qu'où que je sois, je serais toujours entourée.
Ceci peut paraître inimaginable. Mais malgré tout ce que me fait subir la vie, j'ai la foi. Je sais que Dieu ne me souhaite aucun malheur et qu'au contraire, Il me vient en aide pour que je surmonte ma douleur.
Certains peuvent comprendre et d'autres pas. J'en suis consciente. Certains même plaideront la folie.
Mais
ça me permet de tenir comprenez-vous ? Si je ne croyais en rien, je ne serais plus vivante.
Yann ne croyait pas en Dieu.
Et à présent il est mort.
Moi c'est Lui qui me donne une raison de me lever le matin. C'est Lui qui me donne la force de me battre.
Peut-être n'est-il qu'un prétexte,
peut-être ai-je trop besoin de croire en quelque chose pour ne pas me laisser mourir. Mais moi j'Y crois.

J'étais donc enceinte de jumeaux. Mon mari était lui aussi enchanté.
Et puis c'est arrivé simplement. Un matin.
Quelques mois seulement après que j'ai su que je portais la vie.
Ils sont morts. J'avais dans mon ventre deux cadavres avortés.
Et de ces enfants qui devaient naître il ne restait que
quelques gouttes de sang sur la porcelaine des toilettes.
Certains diront que ce n'est rien. Qu'il est ridicule de pleurer un être qui n'a même pas été vivant. Que ces enfants n'en étaient pas, la preuve en est qu'il n'y a pas eu d'enterrement. Mais ces gens là ne savent pas, ce que c'est de
voir mourir un avenir. J'avais pour eux l'envie, l'espoir, l'enthousiasme et tout l'amour qu'il leur aurait fallu. J'étais prête à tout. Et voilà qu'en quelques secondes on m'enlevait tout ce que j'avais désiré. Si fort. Cette partie de moi qui venait de mourir, c'était comme si on me tuait. Comme si cette vie là était terminée.
Alors je suis partie.
J'ai dit adieu à mon mari. Il a été compréhensif et m'a avoué qu'il avait l'intention de refaire sa vie avec quelqu'un d'autre. A vrai dire ça m'était égal.
Nous étions riches, il ‘ma donné assez d'argent pour vivre convenablement. Et je l'ai quitté en bons termes.
Je m'en suis allée à la recherche de Yann.
J'avoue être
partie pour fuir la mort, pour fuir ce que j'avais perdu. Pour fuir l'absence béante que je sentais dans mon ventre. Et voilà qu'en essayant d'oublier tout ça, je retombais sur la même chose.
Deux grands coups d'affilée.
Un en plein cœur et l'autre en plein ventre.
Ça m'a fait mal vous savez. Tellement.
Mais j'ai prié.
Pour que ça passe, je me suis battue. De toutes mes forces.
Et j'ai réussis à relever la tête.

Bien sur, il m'arrive de sentir mon cœur se broyer à la vue d'une poussette.
Bien sur quelques fois je sens les larmes venir se coincer dans ma gorge quand je passe à côté d'un square. Je m'arrête parfois dans un magasin de jouets, mais je n'achète rien. Parce que je n'ai personne à qui offrir mes trouvailles. Mais c'est la vie.
Et j'en verrai d'autre.
Je ne dois pas être malheureuse. Je n'en ai pas le droit, et pas le temps.
Il me faut retrouver une vie dans laquelle je pourrais être bien.
Parce que je ne suis nulle part en ce moment. Je n'ai rien d'autre que moi-même.
Et je ne pourrai pas éternellement m'en sortir si seule.

Par avalanche.de.mots le Samedi 30 juin 2007 à 11:46
C'est beau... J'aurais presque pu y croire.
 

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