Dimanche 13 janvier 2008 à 12:50

Peut-être qu'il faut que je réfléchisse un peu plus. Ou un peu moins.
En vrai, il faudrait que je me pose les bonnes questions.
Il faut que je sache quoi faire.
Et comme d'habitude je marche sans savoir où aller. Je marche pour croire que ce que je fais est utile. En général, les gens qui marchent dans la rue vont quelque part. Alors moi je fais comme eux. J'aimerai bien aller quelque part. Mais je sais pas où c'est.
Ils sont partout ces gens, et c'est difficile de se dire qu'ils savent tous où ils se dirigent. Tous sauf moi.
Quand j'étais jeune, quand j'avais encore la vigueur de mes 16ans je voulais absolument être différent.
Et aujourd'hui, j'arrive à me dire « tous sauf moi ». C'est une forme de différence. Mais j'aimerai mieux m'en passer. J'ai changé. Aujourd'hui j'aimerai mieux être comme tout le monde, savoir où je vais, me perdre de temps à autre mais toujours finir par retrouver mon chemin. Parce que là, j'ai pas de chemin.

La foule.
Elle se mue. La ville piétine, la ville bavarde et regarde les vitrines. Je suis réchauffé par la chaleur humaine. Les gens ont beau marcher dans des directions différentes, on dirait qu'ils vont dans le même sens. Sauf…
Sauf elle. Elle et moi.
Il y a cette fille, les cheveux un peu en dessous les épaules. Elle ne se dépêche pas. Si elle ralentit encore, elle recule. Elle a les jambes nues sous une jupe qui volette tout autour de ses cuisses. Des chaussures plates et un simple gilet de laine. Elle regarde à gauche et à droite. On la dirait comme moi.
Perdue. Egarée dans la frénésie du monde.
J'aperçois son visage.
Et cette fille c'est Claudia.
Je croyais pas au destin. C'est une chose horrible de se dire que chacun de nos pas est prévu. Terrible n'est-ce pas, de se dire qu'on ne maîtrise rien ?
Et pourtant, cette fille perdue dans le monde comme je le suis. Nous deux hors de leur monde à eux. Il faut croire que c'est écrit. Que c'est le destin. Et je peux même pas dire si ça me surprend ou pas.
Cette fille congelée parmi les autres, c'est la mienne. C'est ma Claudia. Ma Claudia qui titube, qui regarde cette foule avec ses grands yeux effrayés. Avec ses yeux d'enfants. Ces yeux dont je suis tombé amoureux pour la première fois il y a si longtemps. Ma Claudia. 
Cette fille que je remarque comme par hasard. C'est Claudia.
J'arrive.
Cette fois je serais là.
Et puis tant pis, si on sait toujours pas où aller. Au moins on sera deux. A deux on peut faire un monde.
Puisque le leur ne nous convient pas. Puisqu'on ne peut pas le suivre.

Claudia viens.
Laisse-moi venir.
Je la rattrape sans difficulté.
Alors je lui prends le bras.
Alors je la prends dans mes bras.
Et le destin fait qu'elle s'immobilise.

 

Mardi 8 janvier 2008 à 20:50

Lève toi Claudia. Allez lève toi !
Non.
Si
. Lève toi.
Bien.

Alors me voilà. Debout. J'ai décidé de sortir parce qu'il fallait que j'aille prendre l'air. Il y a une rivière à trois quarts d'heure de marche. J'aimerai y aller.
J'aime la pluie. Mais elle ne tombe pas du ciel aujourd'hui. Alors j'aimerai regarder couler l'eau. M'asseoir dans la boue et chantonner toute seule. Les orteils plongés dans l'eau glacée. Quitte à attraper à rhume ; j'm'en fiche. Le bonheur se paie. Et son prix c'est le risque de la souffrance. Alors je veux bien prendre ce risque. J'ai toujours pris des risques. Je n'ai jamais vraiment su être raisonnable. J'ai couché quand je voulais coucher. J'ai bu quand je voulais boire.
Et j'ai existé quand je voulais être vivante.
Maintenant j'aimerai m'allonger dans l'herbe, au bord de l'eau, de la terre humide tout autour des phalanges. J'aimerai croire que je meure ou que le monde n'existe plus. De chez moi j'entends la vie au dehors, et la vie des autres, de touts ces milliers d'anonymes ; cette vie je ne la supporte pas. Alors je veux la fuir.
Je veux m'enfuir. Je veux me fuir.
Le vent froid s'engouffre dans mes cheveux à l'instant même où j'ouvre la porte.
Dieu qu'il fait froid.
Mais j'ai mal joué mon coup. Parce qu'on est en pleine après-midi, et que dehors les gens courent. Une agitation brûlante parmi ce froid. Des bruits de pas comme un bourdon tout autour de ma tête. Des gens, des gens, et encore des gens. Ils portent tous les mêmes manteaux. Tous les adolescents portent des convers, toutes les femmes portent des talons, tous les hommes marchent vite. Personne ne traîne. Personne ne fait rien.
Personne ne cherche à se poser doucement au bord d'un ruisseau.
Dans ma rue il y a des magasins. Les gens se ruent dans les magasins. La foule. Leur frénésie.
Des fourmis qui se ruent sur du sucre. Consommer braves gens
. A chacun sa drogue.
Ils avancent à une vitesse folle. Et moi je ne suis pas dans ce rythme. Je suis la batterie dans l'orchestre symphonique.
Alors ils me remarquent, forcément. Ils ne me regardent pas vraiment tout ces gens : ils me toisent.
Peut-être parce que j'ai une jupe courte sans collants. Peut-être parce que mes chaussures sont plates, ou que ma peau est claire. Non messieurs, en effet, je ne suis pas maquillée aujourd'hui.
Peut-être qu'ils me toisent à cause de la longueur de mes jambes, à cause du creux de mes reins, la courbure de ma taille ou le dos d'âne de mes seins à travers la laine de mon vieux gilet.
Je suis peu vêtue. Mais je n'ai pas froid. Pourquoi m'habiller ? Ou plutôt, pourquoi me rhabiller ? Je n'ai pas froid. Je n'ai pas de pudeur. Je n'aime pas me sentir serrée dans tous ces vêtements.
Je ne suis pas un oignon messieurs, mais je ne suis pas une putain non plus. Baisser donc vos yeux. Et pas en direction de ma poitrine.
Je ne marche pas comme les autres. Je n'arrive pas à prendre le rythme.
Moi je marche en limace. Je bave ma lassitude sur le trottoir. Je ne peux pas marcher vite. Et il y a le contraste de mes pas avec les leurs.
Quelques fois j'aimerai être comme eux, je l'avoue. Certains jours j'aimerai me fondre dans la foule sans que les têtes se tournent sur mon passage.
Je suis là,
j'ai perdu le chemin de ma rivière.
Je suis là. Solitaire et regardée.
Ils m'ont égarée en eux.

 

Mardi 1er janvier 2008 à 21:18

 Je ne me lève pas. Je sais qu'il est midi passé. Mais je ne me lève pas. Je ne veux pas me lever.
Il n'y a rien à faire dehors, je n'ai pas envie de traîner. Je ne suis à ma place nulle part tant qu'il fait jour. Tant que je ne suis pas entourée.
Et je ne suis pas entourée.
Alors je reste ici.

Je ne suis pas entourée, non. J'ai les bras emmêlés dans mes draps, les cheveux emmêlés les uns dans les autres, des nœuds capillaires et des nœuds dans mon estomac. Je crois que je ne vais pas bien, j'ai mal au ventre. Ou plutôt non, il est midi passé. C'est juste que j'ai faim. J'ai faim. Mais j'ai pas envie de me lever. Mon corps crie famine et je lui crie ta gueule. Jveux pas me lever. Il fait bon dans mon lit. Il fait seulement bon dans mon lit. Dehors il y a des gens qui meurent. Sur mes meubles il y a de la poussière, de la crasse au fond de l'évier. Même si j'ai nettoyé il y a peu. Je me sens inutile. Tout ce que je fais est détruit par le temps. Tout ce que je répare se brise à nouveau. Et tout ce que je lave se redégrade sans que je ne puisse rien y faire. Ma vie n'est rien. Je me sens rien.
A quoi bon franchement ? Puisque nous faisons toujours les mêmes gestes, puisque nos journées se déroulent toujours selon le même fuseau horaire. Nos vies ne servent absolument à rien.
Beaucoup de films commencent par « certains jours on aurait mieux fait de rester au lit ». Mais dans les films, ces cons là ne restent jamais au lit. Moi si
. Moi je ne suis pas dans un film.
Moi je ne suis nulle part. Jsuis dans un ramassis de draps, de peau et de cheveux morts.
Je suis toute seule dans mon lit, mais c'est le matin et il n'est pas froid.
Je l'ai chauffé par mes rêves.
Poétique non ?
Je ne suis pas poétique. Je suis une fille habillée de draps et de sommeil.
J'ai les paupières lourdes, les pupilles qui piquent, le ventre qui gronde. Mais je ne veux pas me lever.
Je ne veux pas sortir du lit. Je ne veux pas sortir tout court.
Je vois l'heure qui file sur le radio réveil. Les petits chiffres changent un par un à une vitesse folle.
 Je ferme les yeux, je les rouvre, et tout a changé sur ce fond noir.
 Il est 13h passées. Mais les meubles sont à la même place, j'ai toujours faim, je n'ai toujours pas envie de manger. Rien ne change et pourtant
tout passe. Les maux de cœurs, les histoire d'amour, les peurs, la jeunesse, les envies, mais surtout le temps.
Je me laisse faire par mon inconscient. Il me mène n'importe où, et je le suis. Mes muscles ne fonctionnent plus. Je m'étire dans un sens. Puis dans l'autre. Et encore, encore.
Je baille et je mes articulations craquent. Mon ventre gazouille. J'ai soif maintenant. J'ai les lèvres sèchent et il est bientôt 14h. Je ne pense pas. Je ne pense plus. Je m'envole. Je ne sais pas si je rêve ou si je suis éveillée. Je suis consciente, ça je le sais. Je suis tiède dans ces draps.
Je vais bien. Ou non. Ce n'est pas ça. Ce n'est pas que je vais bien. C'est que je ne vais pas mal.
Quand il sera 15h il faudra que je me lève, que je me lave, que je me nourrisse.
Je m'occupe de moi par devoir, comme on prend soin d'un chat de gouttière.
Parce que ce soir je sors.
Ce soir comme chaque soir je sors.
Mais c'est à cause du mauvais.
Du mauvais sort.
Et je ris toute seule dans mon lit, les yeux à demi-clos.



Mardi 11 décembre 2007 à 21:33

Et je ne comprends pas. Je percute. D'un coup.
Il est bien trouvé ce mot : je percute. Un coup de point, en plein menton, bim !
Bel uppercut.
Et jsuis comme collé au sol, comme achevé.
Je comprends Claudia, enfin non, je ne comprends pas.
Parce que je veux pas comprendre.
Je devais t'être irremplaçable tu sais, t'aurai du continuer à m'aimer quoiqu'il arrive.
Alors oui, je sais que tu as cette rancœur contre moi. Mais quand même. De là à laisser ce jeune homme venir prendre ma place, poser sa veste à lui sur tes épaules alors que je m'apprêtais à le faire. Je ne veux pas que d'autres t'attendent à la sortie Claudia. Je ne veux pas que tu souries avec eux, je ne veux pas qu'ils te réchauffent ! Je préfère que tu aies froid sans moi. J'aurai préféré que tu souffres autant que moi je souffre quand on est trop loin. Je veux que tu m'aimes encore Claudia. Et je ne veux pas que tu acceptes sa main sur tes épaules ! C'est pas juste !
C'est pas juste ma belle, parce qu'à cet instant moi j'allais te prendre dans mes bras, moi j'allais te transmettre deux milles tonnes d'amour, mais il m'a devancé. Lui il marche plus vite, et il connaît le croisement de ces rues qui me sont inconnues. Je te demande pourquoi Claudia. Pourquoi lui et pas moi ?!
Moi je t'aurai offert la justice. Une vengeance comme tu l'aurai voulue. T'aurai pu me revenir et me quitter, mais au moins me revenir. Mais tu ne reviens pas. Tu ne reviens pas parce que tu pars avec lui.
Parce que tu continues à marcher mais qu'il marche à côté de toi. Et moi je ne peux pas vous rattraper. Parce que moi j'ai les talons comme des enclumes, parce que quelqu'un à mis de la glue extra forte sous mes semelles.
Claudia je t'aime. Moi je t'aimerai mieux, mieux que tous les autres. Alors pourquoi tu pars ?
Pourquoi lui tu lui laisses sa chance et pas à moi ?
Je savais bien tu sais, qu'il faudrait que tu me quittes. Un jour serait venu où tu aurais lâché ma main.
Mais tu ne la tiens pas ma main Claudia. Tu ne la tiens plus. Tu devais la reprendre !
Moi j'ai besoin de tes doigts étranglant les miens, j'ai besoin de tes griffures dans mes omoplates, j'ai besoin de tes lèvres tatouées dans mon cou, j'ai besoin de ta passion Claudia. J'ai besoin de toi.
Je tenterai tout tu sais, pour te plaire, pour te faire sourire, pour te faire oublier, pour te faire croire, pour que tu sois bien, pour que tu croies m'aimer, pour que tu ne fasses plus attentions aux autres. Je tenterais tout. Alors ne me remplace pas avant Claudia. Laisse moi faire mes preuves. Ne me laisse pas couler, envole moi avec toi et laisse moi tomber si je n'arrive plus à voler aussi haut que toi.
Je ne suis plus rien si tu pars.
Et je sais que je suis en tort ; je sais que je n'ai que ce que je mérite. Mais je n'en veux pas.
Je n'en veux pas de ce châtiment ! Moi je ne voulais que le crime ! Que le crime !
Le crime de t'aimer, ce pêché charnel, le désir de tes bras autour de mon cou.
Je ne peux plus avancer Claudia. Et vos deux pas claquent de moins en moins forts. Et je ne vous vois plus.
Est-ce que tu l'embrasses sur le palier de ta porte ?

Mercredi 5 décembre 2007 à 17:59

J'ai senti une main sur mes épaules. J'avais froid. J'avais froid parce que j'étais seule. Et puis j'ai senti qu'on posait une veste sur mes épaules. Quelque chose de chaud et de presque lourd. J'ai pas vraiment voulu me retourner. Parce que je pensais que c'était juste bien. C'était quelqu'un venu pour moi, quelqu'un qui savait que j'avais froid. Juste quelqu'un pour m'apporter un peu de chaleur. Mais je ne voulais pas que ce soit un de ces vieux, un de ces retraités galants qui m'avaient vue ce soir. Je voulais que ce soit personne, même mon jeune amant m'aurait mis les nerfs en feux. Je ne voulais que cette main et ce manteau sur mes épaules. Rien d'autre. J'aurai voulu qu'il n'y ait personne derrière ce geste.

Mais j'ai quand même tourné la tête. Parce qu'un manteau ne tombe pas seul sur les épaules d'une femme frigorifiée. Et parce que je suis de nature curieuse. J'ai tourné la tête pour voir Qui. Juste pour voir.

Et puis c'était mon beau jeune homme. C'était lui. Et j'aurai voulu partir en courant.
J'aurai voulu ne jamais le revoir.
Parce que j'avais si peur ! Si peur qu'il m'aime !
Il n'a rien dit. Il a sourit et puis il a marché à côté de moi, sa main droite toujours posée sur mon épaule. Il marchait à ma gauche, il suivait ma marche, il ne disait rien. Et j'avais, de toutes façons, déjà oublié sa voix. Il se taisait. Et moi je voulais qu'il la reprenne sa veste, je voulais que ce contact cesse entre lui et moi. Qu'il retire ses doigts de mon épaule. Je ne voulais plus entendre ses pas qui accompagnaient les miens. Je voulais qu'il se casse mon tombeur. Je voulais pas qu'il reste.
J'ai fermé fort les yeux. Très très fort. Comme si tout allait disparaître si j'arrivais à fermer les yeux assez forts, comme si je pouvais être en train de rêver, comme si j'allais bientôt me réveiller de ce putain de cauchemar. Et j'aurai pu l'apprécier cette veste chaude, si seulement elle n'avait pas eu son odeur, si seulement il me l'avait laissée. Mais non. Mais non. Il était là, et il marchait silencieusement le
joli cœur.
Je suppose qu'il voulait pas me faire peur, qu'il voulait pas que je me sente agressée ou suivie. Je suppose qu'il se taisait pour ne pas me brusquer. Raté mon cœur. Raté, complètement raté.
Parce que tu m'énerves. Tu m'énerves et ta perfection me terrorise. Tout cette douceur, la chaleur de ta main sur mon épaule et la légèreté de tes pas. Ta beauté insolente dont j'entrevois le profil. Tout ces idéaux que tu incarnes. Tu m'énerves. Une nuit ça t'as pas suffit ? C'est ça ?!
Moi je la veux pour moi toute seule cette soirée. Je veux que tu t'arrêtes et que tu me laisses marcher toute seule. Allez, allez, casse toi. Casse toi mon ange. Casse toi où tu vas perdre tes ailes !

<< Page précédente | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | Page suivante >>

Créer un podcast