Samedi 2 février 2008 à 19:40

 

Alors il lui a pris la main, et elle s'est levée. Ils ont marché jusqu'à la ville. Ils ont fait le chemin inverse.
Alors il a plu.
Ils ont couru sous l'averse et elle riait. Et elle paraissait si fragile, et je la trouvais si jolie.
 Et vus d'en haut, la pluie avait déposé des paillettes sur ses cheveux.
Alors ils se sont abrités sous un porche et se sont embrassés comme font les enfants.
Ils se sont embrassés.
Et ils étaient séparés du monde par un rideau de pluie.
Et moi je trouvais ça beau, et je les ai enviés. Parce que les gens qui s'aiment brillent d'une lumière que j'ai perdue. Les gens qui s'aiment s'embrassent sous des porches et mêlent leur salive aux gouttes de pluie. Les gens qui s‘aiment changent d'odeur à force de trop se frotter l'un à l'autre. Les gens qui s'aiment sont comme Franck et Claudia à cet instant. Ils ne sont plus là. Prévert disait ça dans un de ses poèmes.
Franck et Claudia ne sont plus des enfants pourtant.
Ils se sont percés le cœur à trop avoir grandit.
Franck et Claudia s'embrassent sous la pluie, et ils ne savent pas que le monde tourne encore autour d'eux. Ils ne savent pas que la nuit tombe. Claudia n'a pas saisis qu'il était l'heure pour elle de se séparer.
Parce que le temps des gens qui s'aiment s'écoule à une vitesse folle, et que leurs meilleurs instants sont ceux où ils sont ensemble.

Oui mais dans ce village il y a une église. Dans cette église il y a Lou.
Et les cloches sonnent.
Lou à l'air d'un ange. Elle sourit comme une icône.
Elle est pâle et céleste dans la maison de son Dieu.
Les cloches sonnent et Claudia décolle sa bouche de celle de Franck.
Les cloches sonnent et les amants se sourient.
Les cloches sonnent et Claudia s'en va.
Moi je pense à Cendrillon.
Franck a un sourire niait plaqué sur le visage.

Mardi 22 janvier 2008 à 19:56

Il n'y a pas de place pour moi dans votre monde.Ni pour moi ni pour personne.
Votre monde, je m'y suis contenté d'y vivre.Vous seuls l'avez créé, je n'y ai rien construit, je n'y ai rien ajouté.Toutes ces choses, le vent, l'amour, les bruit de pas,
J'y suis pour rien. Et vous non plus.Sauf que vous avez su trouver votre place.Quelques fois vous ne savez plus, mais votre place, ou vous l'avez prise, ou on vous l'a donnée. Vous avez votre place parce que vous n'êtes pas seuls. Parce que quand vous perdrez pieds quelqu'un vous maintient la tête hors de l'eau.
Mais il n'y a pas de place pour moi dans votre monde. Rien ne m'y fait sourire, rien ne m'y retient. J'aurai voulu tout détruire, tout lâcher. Rien ne me plaisait, rien ne me faisait sourire. Tout était terne, sans vie, vomissable.
Sauf elle.
Dans votre monde il y avait Lou. Ma Lou. Mais il a fallu qu'elle parte.
Les gens finissent toujours par partir.
Mais je ne savais pas encore que quelques fois, ils reviennent.

Je ne savais pas non plus que l'amour pouvait durer, ni qu'on pouvait rester vivant hors de votre monde, qu'on pouvait s'en sortir en en construisant un autre.Un autre monde à part entière. Il a fallu que je meure pour comprendre que si vous étiez à votre place, c'est parce que vous étiez dans vos propres mondes. Chaque vie est un univers. Il faut croire que moi, je n'avais pas de vie. Ma vie c'était Lou. Et on m'a enlevé  Lou.
Alors j'ai été perdu. J'avais plus rien.Que dalle.
 Mais j'ai pas tout de suite choisis la facilité. J'ai pas voulu fuir immédiatement. J'ai demandé de l'aide…Moi Yann, j'ai demandé de l'aide ! Rendez-vous compte ! J'ai été voir ces gens que l'on nomme la famille. J'ai voulu me confier à un adulte digne de confiance.  A quelqu'un qui aurait pu m'aider, une personne avec de l'expérience, avec une bonne partie de la vie derrière elle.
Comme si les adultes avaient compris ce que moi je ne comprenais pas. La vie ne s'apprivoise pas au fil du temps. On s'y fait où on s'y meure. Moi je m'y suis tué. La seule aide que l'on m'a apportée c'est cette gifle. Ce geste de ma tante, si fort qu'il m'a immédiatement jeté dans l'abîme. Ils auraient pu me sauver, je le sais.Ils auraient pu me montrer qu'il y avait une petite place pour moi.Mais il n'y en avait pas.Ils n'avaient rien préparé pour me retenir.Pour que je sois. Alors j'ai arrêté d'être.
Et je me suis tué. Au même endroit que ma mère. Maman.
Et elle n'est pas là pourtant. J'ai voulu quitter votre monde pour celui-ci. Et j'ai espéré que ce serait différent. Ça l'est. Mais ça n'est pas mieux. C'est juste différent.
Je suis autant perdu ici qu'en bas.Mais ici j'ai Louis.
J'ai Louis mais je n'ai pas Lou.
Je n'ai pas Lou.

Je n'ai que sa vision furtive.Une jeune femme qui marche à quelques centimètres au-dessus du sol. Son allure féerique et sa volonté de croire.De survivre là où j'ai échoué.
Dieu que je suis lâche ! Et pourtant la mort m'a changé. J'ai compris beaucoup de chose, mais j'ai perdu la notion de beaucoup d'autres.
Le temps ne s'écoule plus ici. Ne restent que les regrets, les souvenirs et quelques joies passagère lorsque j'entrevois son sourire.

 

Jeudi 17 janvier 2008 à 18:46

Franck réfléchit. Ils sont blottis l'un contre l'autre. Ils sont mignons.
Au fond, tous les deux, ils se disent qu'ils s'aiment. Elle se dit qu'il l'aime, et il se dit qu'elle l'aime.
Moi d'en haut, je trouve ça mignon. Peut-être que c'est beau même.
Il y a un couple, les fesses dans la boue, au bord d'une rivière.
La ville à quelques pas, et eux dans leur extrait de campagne.
Ils se retrouvent. Et il me semble qu'ils sont bien.
Ils sont si bien.
Et elle est si belle…
Alors voilà comme ça se passe en bas. Voilà leur vie.
Franck la voit. La prend par le bras et la serre dans les siens. Il s'excuse, il l'aime, c'est trop dur sans elle. Que même s'ils ont changé ça peut marcher comme avant.
S'ils restent ensemble. S'ils restent ici.

Et ma Lou fait une lessive.
La vie continue. Sans moi.
Vous, vous êtes vivants.
Vous en avez pas souvent conscience, mais vous êtes vivants. Alors que moi je suis mort. Et je vous regarde vivre sans même que vous ne le sachiez. Je vois vos vices, je vois comme vous essayer d'être heureux. Le bonheur facile que vous vous offrez. Je vois comme vous êtes. Comme vous êtes désespérés. Comme vous avez la foi. Comme vous y croyez.
Je vois comme
vous trompez ceux qui vous aiment et comme vous perdrez ce que vous chérissiez.
Je vois tout. Je vois la vie.
Et ma Lou s'occupe de ses affaires. D'elle-même. Ma Lou vit sans moi.
Et c'est peut-être ça l'important. Qu'elle arrive à vivre.
Je l'aime. Je l'aime comme eux ils s'aiment. En différent.
Je regarde vos vies passer comme on va au théâtre. Mais j'ai chèrement payé ma place.
Je suis le spectateur anonyme.

Mercredi 16 janvier 2008 à 20:47


 Claudia ! Ô Claudia !
C'est tellement agréable de t'avoir contre moi.
Notre silence au milieu de leur brouhaha.
Claudia je te suis. Qu'importe où tu vas, je te suis.

 

Elle se laisse dans mes bras et je calque mes pas sur les siens. On a mélangé nos ombres. Je respire dans ses cheveux. J'aime. Je l'aime.
Et le temps s'écoule. Je ne sais pas comment mais il s'écoule. Il s'écoule et nous marchons.
J'entends plus la foule. Juste nos pas. L'herbe rase a remplacée l'asphalte.
Tout est plus tendre quand je suis seul avec toi Claudia. Tout est plus tendre.
L'air ici pénètre plus facilement mes poumons. Le ciel semble plus clair et le parfum de la vie se mêle à celui de ta peau. Claudia…
A quelques décimètres de mes pieds il y a un ruisseau. De la boue par terre.
Et elle se laisse glisser contre mon corps pour s'asseoir par terre. Soit. Je me pose à côté d'elle, je ne veux pas la lâcher. Reste ici Claudia. T'en va pas ! Encore un centimètre et je craque. Et non, elle se blottie encore plus. Dieu que c'est bon !
J'en ai serrées des femmes contre mon cœur, mais celle-ci ! Oh ! Jvoudrais même qu'elle s'incruste en moi.
 « Claudia, je dis, Claudia, je suis bien là.
_ Moi aussi Franck.
_Et… je suis désolé. Je m'excuse. Je sais plus vraiment de quoi, mais je sais que tu peux m'en vouloir pour pas mal de choses. Et jvoudrais qu'on mette tout ça de côté. J'aimerai qu'on essaie. Qu'on réessaie. Même si ça complique nos vies. Jvoudrais vraiment qu'on y arrive.
_J'aimerai aussi. »
Elle aimerait aussi…

 

Lundi 14 janvier 2008 à 19:52

 

J'ai frotté mon visage contre son épaule. Dans le creux de son cou.
Là où la peau est si douce et si parfumée que l'on oublie le monde.
Franck. Tu es là Franck. Tu es là où ils ne sont pas.
Tu es venu. Tu es venu alors que je t'attendais pas. Tu pas prise dans tes bras quand je ne demandais rien. Franck. J'aimerai pouvoir énoncer les choses. J'aimerai les dire autrement que juste par un verbe, un sujet et un complément. J'aimerai que tu comprennes que sans toi j'ai du mal à respirer. Que quand tu arrives d'un coup comme ça et que tu me serres contre ton cœur, j'aimerai mourir. Parce que même si tu peux faire ça tous les jours, même si c'est un geste simple, cet instant : c'est le meilleur de ma vie. Le meilleur. Le meilleur parce qu'il ne peut m'être offert que par toi. Et je ne veux pas qu'il s'arrête et que le monde continue de tourner. Je voudrais mourir parce que plus rien ne m'importe quand j'entends battre ce cœur. Ce muscle sanglant dans ta poitrine, qui bat la mesure de ta vie.
Franck tu m'emmènes. Tu m'emmènes chéri. Et tu me gardes contre toi. Un bras sur mon épaule, l'autre autour de mes hanches. Et moi je me repose sur toi. Nous, on marche lentement et eux ils courent autour de nous. Je souris. Je souris parce que je suis bien. C'est confortable ici. Franck tu es chaud et doux. Tu me tiens debout et je retrouve mon chemin.
A présent je guide la marche.
Je t'emmène avec moi aussi. On va aller s'asseoir près d'un ruisseau. Il y aura de la boue sur le sol mais on s'y assoira quand même.
Et puis on verra bien Franck.
Tu ne parles pas. Tu ne dis rien. Et c'est parfait.
Tout est parfait.
Mon ombre a disparue dans la tienne, et ton souffle, doucement, murmure ta tendresse à mon front.

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