Samedi 27 octobre 2007 à 11:47

Nuit. Enième soir. Miroir. Lampions.
Pour un peu on dirait une loge. La lumière de l'ampoule flanquée sur mon visage. Ça me fait une figure de sainte, j'ai la peau claire. A en être transparente.
Fond de teint. Poudre. Gloss. Eye-liner et mascara. Oh !
Je suis une jolie poupée. J'ai mis des chaussures bleues, les talons aiguilles font un léger bruit quand je marche dans le couloir. Bleue. Des chevilles jusqu'aux yeux. J'ai les pupilles dilatées. Noir sur bleu. Joli contraste.
Je me sens fatiguée. J'ai envie de voir les étoiles, de sentir l'air de la nuit sur ma peau. Mais je peux pas.

Ce soir j'ai droit aux étoiles sous verre, colorées. Bleues. Vertes. Rouges. Une lumière de spectacle. Ce soir je danse.
Mais je suis fatiguée. Il me faudrait une dose d'énergie. Pas quelque chose de fort. Ils me trouveront bien ça.
A croire que toutes les solutions sont dans les drogues.
Bien sur. Alors je vais voir les dealers de la boite. Ils m'ont déjà remarquée. Je ne suis pas le genre de fille qui passe inaperçue, j'ai de trop belles jambes. Mes talons chantent un léger rythme, j'avance vers eux. J'aurai ce dont j'ai besoin, et sans rien payer.
Oups mon briquet ! Je bas des cils et je me baisse. Comme ça leurs regards plongent dans mon décolleté.
Je suis séduisante.

Vendredi 26 octobre 2007 à 21:36

Elle écoutait. Comme si elle s'était transformée en statue de cire. L'immobilité et la douceur.
Ces joues s'étaient doucement rosies, elle avait les yeux brillants. C'était sûrement à cause de l'éclairage du café.  Ou alors à cause de la boisson alcoolisée qui frémissait dans mon verre. Mon verre.
J'avais les deux mains bien serrées autour. Je m'accrochais à lui comme un naufragé à sa bouée. L'alcool.
Je buvais. Quelques gorgées entre chaque mot. Et je sentais la chaleur des degrés descendre le long de mon oesophage. Un poison doucement brûlant, des flammes de coton qui dégringolent au fond de mon ventre. Et puis une sensation d'envol au niveau de la gorge. Je devrais pas boire tant. C'est sur. Je devrais pas boire. Oui mais, je dois raconter ma vie, je dois avoir l'air détendu, je dois être bien dans ma peau, faire comme si j'étais au moins aussi fort qu'elle. C'est pas si facile. Alors je bois, plus que les autres, et tout de suite, ça va mieux. Ça va mieux. Et je peux parler de Louis sans être triste, je peux évoquer Claudia sans sentir mes entrailles se tordre.
Et puis comme elle m'écoutait, comme je n'avais pas terminé, comme c'était que le début et qu'on avait toute la nuit devant nous, et bah j'ai continué. Simplement.

« Et puis tu vois Lou, on fait tous des conneries. Plus ou moins graves. Ça s'trouve je suis même pas mieux que tes parents. Ptêtre que je suis pire que tous les autres.
Tu vois, j'ai rencontré Claudia, et puis elle était trop belle. Trop. Elle est devenue une obsession, elle était partout, dans chaque fille, dans chaque odeur. Il y avait elle. Autant dire que jsuis tombé amoureux. Comme un ados, comme un enfant fougueux. Jme suis…épris d'elle comme qui dirait. Fou amoureux. Avec les papillons dans le ventre, la gerbe quand elle approchait d'un autre, l'envie de les tuer tous ces connards qui la charmaient. Tu vois Lou, le genre amour passionnel. Alors je lui faisais fumer mes cigarettes juste pour avoir le droit à ses beaux yeux. Claudia a les yeux bleus Lou. Mais d'un bleu ! Comme le ciel, comme les eaux de ces putains d'îles où on ira jamais. Bleu évasion. Bleu qui change le monde et qui fait comme… Un puit. Elle a des yeux, quand tu les vois tu te demandes si elle porte des lentilles de couleurs. Son regard il est tellement… profond. Tu verras Lou, une fois que tu as posé tes yeux dans les siens, t'as plus qu'une seule idée en tête. Recommencer.
Enfin moi ça me faisait ça.
A l'époque je fumais des gitanes. Ces clopes, où t'en fumes une et t'as le cancer.
Et puis elle m'a aimé aussi. Aussi con que ça en a l'air, j'ai réussis à la séduire. Je l'ai draguée, à la dérobée, comme un ado une fois encore. Et puis quand je l'ai embrassée elle a répondu. Le langage des lèvres et des sens. Quand ma bouche a effleuré la sienne elle n'a pas détourné la tête, elle n'a pas immobilisé ses lèvres. Elle m'a répondu sans aucun mot. Et ça voulait dire qu'elle était d'accord pour que je tombe amoureux d'elle. J'ai compris ça.
Elle me donnait le droit de l'aimer. Et puis c'est devenu un devoir, un objectif. Aimer Claudia le plus longtemps possible, pour que Claudia m'aime. L'aimer plus fort que n'importe quel autre pour qu'elle ne s'en aille jamais. Pour qu'elle s'allonge encore des soirs et des soirs à mes côtés. Je la voulais, pas pour moi tout seul, mais pour moi. Je voulais qu'elle m'aime, et moi je l'ai aimé plus que tout. Et je l'aime Lou. Je l'aime.
Sauf que je sais pas. Ma connerie ça a été de faire ce que j'avais le plus peur qu'elle fasse.
Jme suis tiré.
Pourtant j'étais bien. Je vivais avec Claudia et Louis. Ils étaient mon refuge. Le seul endroit où j'étais vraiment bien.
Et puis j'ai fait comme Rose, sans savoir pourquoi, je suis partit. Et puis j'ai cherché du boulot dans des grandes villes. J'avais entendu dire qu'avec le fric on avait tout.
Peut-être que je suis parti pour ne pas la voir partir.
Mais ça a servit à rien.
Et puis quand je suis partit, il manquait quelque chose je crois. Ils étaient plus que tous les deux.
Et je suis partit sans rien leur dire. J'aurai du rester là-bas, je sais ! Partir, ça a été la plus grosse connerie de toute ma vie. Et ça a tué Louis. Il est mort. Et moi j'étais pas là. Et Claudia était toute seule. Et… »

Jme sentais mal. J'allais pleurer même. Pourtant ça allait, pourtant j'avais bu. Mais là, tout s'embrouille dans ma tête. Et je la vois qui penche la sienne sur le côté. Je divague, jme perds dans les fils de ma vie. Tellement de merdes, tellement de chose que j'arrive pas à cerner. Le pire dans tout ça c'est que je sais même pas pourquoi je suis parti. C'était juste pour voir, j'ai vu. J'ai vu et je regrette.
Mais c'est trop tard, et c'est sûrement ça qui m'arrache les tripes. Je les ai abandonnés.

Lundi 22 octobre 2007 à 20:47

Alors je suis revenu et elle était là. Elle était encore là.
 « Bonsoir Lou. Bonsoir Franck. »
Et moi je pense à Claudia. Deux soirs que je n'suis pas allé la voir. Deux soirs que je l'aie pas vue. Deux soirs qu'elle me manque… Mais c'est pour elle tout ça hein ? C'est pour qu'elle me revienne, c'est pour qu'elle s'en sorte. Avec moi. Je veux qu'elle s'en sorte avec moi ! Je veux lui sortir la tête de l'eau, je veux qu'on réussisse à s'aimer comme avant. Je veux qu'elle arrête de coucher avec n'importe qui, qu'elle arrête de se droguer, qu'elle arrête de bosser dans un bar à putes. Elle mérite quand même mieux ma Claudia ! Elle mérite une vie facile, pas une vie de débauche. Parce qu'on a beau dire que c'est facile de baiser pour rien, de se faire un rail pour avoir des yeux qui brillent un peu mieux. Ça fatigue, ça tue même ! Et moi je ne veux pas que Claudia meure. Je ne veux pas vivre ce que Lou a vécu avec Yann. Moi je ne serais pas assez fort. Je serais trop seul.  
J'ai pas cherché à faire trente mille détours. J'avais conclu un pacte tacite avec Lou. L'histoire de sa vie contre la mienne. La vie est un contrat.
Alors on s'est assis à la table. Et cette fois c'est moi qui ai comblé le silence : 
  « Moi je sais pas parler comme un livre tu sais, alors va falloir te contenter de mon pauvre langage, de mon vocabulaire de vulgaire homme. Jvais essayer de te rendre ça joli Lou. Mais entre Claudia et moi on peut pas dire que ce soit vraiment joli. »
Elle a sourit. Elle m'a prié de commencer. Et les quelques syllabes qu'elle lançait faisaient comme des petites lucioles. Elle était jolie elle, pas comme mon histoire. Pas comme moi.
J'aurai préféré être joli garçon, raté, je suis bel homme. Et c'est beaucoup moins glorieux.
 « Claudia. Elle vivait avec Louis tu sais, Louis c'était son oncle. Celui qui a pris la place de son père. Parce que le sien était pas…fiable. A croire qu'on devient con et incompréhensif en même temps que parent. Va savoir ! En tout cas Louis c'était un type bien. Un homme comme il faut tu vois, qui sait bricoler, cuisiner, qui connaît le nom des fleurs. Le genre violoniste grisonnant. Le genre grand-père, le genre de vieil homme à qui on s'attache trop vite, tu vois ? Ces hommes là que t'admires sans savoir pourquoi, ceux qui peuvent parler pendant des heures sans que tu décroches une seconde. Tu sais, ceux qui parlent comme toi mais avec une voix grave, ces hommes qui vous tiennent en haleine par leur…éloquence. Ceux à qui la vie à tout appris mais sans les abîmer. Ceux qui sont devenus forts avec le temps. Ça c'était Louis, la force de l'âge et l'amour de l'Homme. Louis aimait Claudia comme sa fille, et il m'a aimé comme son fils.
Parce que Rose, tu sais Rose, la mère de ton Yann, elle c'était la vraie fille de Louis. Mais elle est partie comme ça, du jour au lendemain. Sur un coup de tête. Et il a plus jamais eu de nouvelles.
Alors il a pris Claudia sous son aile. Jcrois qu'il avait trop d'amour en lui pour ne pas le distribuer à tout va. »

Samedi 20 octobre 2007 à 12:43

Quand elle s'est levée pour partir et que je lui ai dit de ne pas s'en faire, j'ai vu la gratitude dans ses yeux. La vraie, celle qui ne peut prendre vie qu'en ceux qui ont la foi. Et puis elle est partie, silencieuse et souriante, ces longs cheveux qui se balançaient derrière elle. Lou, pauvre Lou.
Je reste égoïste vous savez, parce qu'elle a été malheureuse, mais je suis satisfait. Parce que grâce à moi elle va un peu mieux. Je le sais, je l'ai vu.
Alors elle me ramènera Claudia. Elle saura le faire elle. Elle saura reconstruire. Et puis elle a son Dieu, il l'aidera sûrement. Moi j'en ai pas de Dieu. Encore moi ! Encore moi qui cherche à être libre ! Ni Dieu, ni maître, fort et seul. Et le pire dans tout ça, c'est que je sais que je me trompe. Je sais que je ne m'en sortirai pas éternellement en étant seul. Je sais que mon pauvre fric et mes aventures d'une nuit ne suffiront pas à remplir toute une vie. Je sais que la liberté ça n'est pas le bonheur. Mais elle est unique, inaccessible, c'est pour ça que je la veux tant. C'est pour ça que je courre face au mur tête baissée. Parce que je ne crois qu'en moi. Et pourtant je ne suis pas une source sure.
C'est ça la vie, on cherche souvent à se convaincre qu'on est meilleur et qu'on a raison. Alors qu'au fond on sait bien à quel point on est dans l'erreur. A quel point on est con.

Alors Franck, regarde moi cette jolie serveuse. Tu souris et tu paies. Tu paies, tu paies, tu peux te le permettre, tu le fais bien, et puis c'est facile. Les gens s'achètent. Mais pas leurs sentiments.
Alors profite de ce que tu peux avoir Franck.
Je profite, je profite. Mais c'est pas ça que je veux avoir.
Je paie. Et je laisse un gros pour boire. Parce qu'elle a de gros seins.
Ça aussi c'est la vie. Vrai. On juge pas sur les apparences, mais on paie en fonction du plaisir. Si une chose est bonne, elle exige un bon paiement. Plus on est satisfait, plus on accepte de payer. Le plaisir n'est pas gratuit. Même les drogues de Claudia parasitent son salaire, capotes, briquets et seringues. Rien n'est gratuit. Rien. Tout se paie. Même le sourire des serveuses.

Alors je quitte le café, et je regarde par-dessus mon épaule. Elle s'est retournée aussi, elle me regarde son plateau à la main. Je lui plais. Je voulais pas lui plaire. Et je trouve le moyen de regretté ma beauté. Parce que je suis beau, oh pauvre de moi.
Et j'en souris en marchant dans la rue. Personne ne peut le voir, il fait nuit, et les réverbères n'ont pas une grande portée. Je suis invisible.
Alors demain, je revois Lou, encore et encore. J'élabore un plan pour lui livrer Claudia et moi, notre histoire. Notre si belle histoire ! Et puis je me débrouille pour qu'elles se voient toutes les deux.
Rien n'est gratuit. Si je veux ravoir Claudia à mes côté il faut bien que Lou la trouve…

Dimanche 14 octobre 2007 à 19:44

Mais reste-y ma Lou ! Ce refuge est parfait pour toi.
Et Franck te protégera lui, puisque moi je ne peux pas. Puisque moi je suis trop loin.
Puisque moi je suis mort.
Et oui, je t'entends ma Lou, je te vois et je t'admire. Je t'assure que si Lou, tu es forte, tu es forte ! Jte l'jure ! Alors pleure s'il le faut, prie si ça peut t'aider ! Parle-moi tant que tu veux, je t'écoute. Je regrette de ne pas pouvoir t'offrir de réponse, de ne pas pouvoir te prendre dans mes bras. Mais je suis là, si loin certes, mais là. En toi si tu en as envie, si c'est ce qui te conviens le mieux. Je suis d'accord pour qu'on y reste, là où tu voudras Lou. Là où tu voudras, je t'aime. Je t'aime à m'en tuer à nouveau, je t'aime à renier les plaisirs de la vie, je t'aime à tout foutre en l'air Lou !
 C'est peut-être ça qui n'allait pas tu sais. C'est peut-être que je t'aimais trop fort. Que je t'aime trop fort. Parce que toi tu ne changes pas, parce que quand je regarde le monde vu d'ici, je vois que tout se détériore. Tu sais Lou, les lumières s'éteignent une à une. Et elles ne sont pas toutes remplacées. Mais toi Lou, toi tu rayonnes, ta lumière est magique, tu es un ange Lou .Tu es comme un ange Lou, mon ange terrien. Mon ange vivant, ma raison de rester. Ma raison de croire. D'entendre. Le monde tourne autour de toi Lou, mon monde tourne autour de toi. Tu es tout, tu es sublime. Tu es le chef d'œuvre de cet univers Lou. Il n'y a rien de plus beau que toi. Et si je suis partit si vite c'est que je ne supportais pas de ne plus pouvoir t'admirer. Je t'aime Lou, et je m'enflamme à te regarder vivre, un feu délicat, doucement douloureux qui me dévore. Qui me rend la vie presque. Lou je t'aime, je t'aime, je t'aime. Et je suis si loin ! Et je te manque tant, et tu me manques tant….
Lou tu es si forte, tu es si jolie, tu brilles comme personne.
Je les vois tous d'ici Lou, je les vois toutes.
Mais tu restes la seule pour moi.
Tu restes la seule.

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